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Crise des GAFAM, bulle ou pas bulle ?

par Paul Metraux
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C’est le sujet tendance du moment : la bulle tech ! Les plans de licenciements se succèdent chez les GAFAM à une vitesse impressionnante. Amazon va alléger son effectif de 18 000 personnes (sur un total de1 600 000, relativisons). Pour Microsoft ce sera 10 000, Google 12 000, Meta 11 000. Sans parler de Spotify (6% de l’effectif en moins) et d’une série de startups moins visibles mais qui dégraissent à grande vitesse.

Ca ne va pas très bien pour la Tech. Mais ça ne va pas très bien pour l’économie mondiale en général. La Banque mondiale abaisse ses prévisions de croissance à 1,7% (le plus faible niveau depuis 30 ans). Et le FMI annonce tranquillement qu’un bon tiers des pays du globe pourraient être en récession en 2023. Rien d’étonnant à ce que la Tech soit concernée par cette grande déprime mondiale. Moins d’activités = moins de consommation. Dans ce contexte, on parle de bulle qui éclate et un certain goût médiatique pour la catastrophe fait le reste. Après avoir annoncé l’avènement du règne numérique mondial pendant la période Covid, on évoque maintenant l’effondrement des géants de la Tech. Sans nuance et sans se rendre compte que, dans les deux cas, c’est largement excessif. Alors, crise des GAFAM, bulle ou pas bulle ? Peut-être simplement le retour à l’économie réelle.

La fin de l’argent magique

S’il y a une bulle, elle est d’abord financière. L’époque du « quoi qu’il en coute » que le journaliste Philippe Meyer a renommé le « n’importe quoi qu’il en coute » est bel et bien terminée. Le temps de l’argent gratuit et des masses de liquidités injectées pour que les sociétés humaines tiennent le choc du COVID est terminé. Il fallait évidemment le faire  mais le prix à payer s’affiche aujourd’hui : l’inflation. Les taux d’intérêt remontent (tout le monde avait l’air de trouver normal d’emprunter à taux négatif…).

Après une période de trente ans de baisse constante des taux, on rebrousse chemin. Et ça fait mal. Très mal quand la dette est très élevée. Les capitalisations boursières sont bien secouées. Apple (qui n’a pas annoncé de licenciements) a perdu un tiers de sa valeur. Tesla navigue au gré des frasques de son patron, lequel entraine Twitter dans une drôle de spirale. Et l’indice Nasdaq tousse quand l’économie s’enrhume.

Pendant toute cette période les startups de la Tech ont levé des fonds en quantité souvent peu raisonnable. Des investisseurs, qui reviennent aujourd’hui à la raison, ont apporté de l’argent en masse sans trop se préoccuper du projet économique. Quelques mots magiques (la Tech n’en est pas avare) suffisaient pour séduire. Et les mots, toujours les mots : les business angels, les licornes… Aujourd’hui la magie n’opère plus et les licornes rentrent à l’écurie (qui n’a d’ailleurs pas été prévue pour ce genre d’animal magique). Les investisseurs demandent un retour plus qu’un discours.

L’anesthésie du COVID

La période du Covid nous a anesthésié, à la fois sur le plan financier et intellectuel. Le monde ne serait jamais plus comme avant (vieille formule ressortie à chaque événement depuis des lustres), la vie entièrement numérique s’installait partout et Zoom était le nouvel outil universel. Il y a une propension humaine à exagérer les conséquences d’un événement, fut-il exceptionnel comme le Covid. Et les anesthésiants endorment à la fois le corps et l’esprit. Nous avons quitté le rationnel pendant deux ans.

Qui a cru que le monde serait vraiment nouveau après la pandémie ? Souvenons-nous du tremblement de terre de force 7 qui a ravagé Haïti en 2010. Dans l’état de désolation du Pays, certains avançaient qu’on allait repartir de zéro et fabriquer une nouvelle société. Ce serait l’an zéro du développement durable (vieille expression remplacée aujourd’hui par transition écologique). Aujourd’hui à Haïti la situation est… pire qu’avant..

Entreprise : le business model avant de changer le monde

Aujourd’hui c’est le retour à l’économie réelle. On s’aperçoit que les valorisations boursières étaient très excessives et on redécouvre que la valeur d’usage d’une entreprise (même numérique) n’est pas toujours la valeur de marché. Dans l’économie de marché, le business model d’une entreprise compte davantage que son projet de changer le monde. Les promesses démesurées ou prématurées se heurtent toujours aux évidences. Le Métavers de Mark Zuckerberg est peut-être une idée géniale, encore faut-il qu’elle s’intègre dans un système économique viable. Le réel c’est quand on se cogne disait Lacan. On y est et c’est peut-être très bien ainsi. Les grandes entreprises de la Tech, même ultra-riches, n’échappent pas au principe de réalité. Tesla valorisée dix fois plus que Stellantis en produisant… dix fois moins de véhicules, ce n’était pas très raisonnable.

Conclusion

Le débat sur la crise des GAFAM, bulle ou pas bulle, n’est pas le bon. On assiste sans doute à une correction de trajectoire dans un univers économique en crise et qui rappelle ses règles. Il y a déjà eu une bulle internet au tournant du siècle, elle a été surmontée par une retour aux réalités.

Les entreprises ne sont pas éternelles, les plus fortes s’adaptent par leur créativité et leur capacité à sentir le monde qui les entoure. Google l’a bien compris en investissant massivement dans l’IA, suite au succès de ChatGPT et à une nouvelle concurrence menaçante. Apple semble tenir le coup mieux que les autres. Peut-être parce que, par les temps qui courent, un gestionnaire froid à la Tim Cook fait d’abord fonctionner la machine à cash. Mais Apple devra aussi innover pour continuer, ce qui n’est guère le cas depuis quelque temps.

Cette crise a au moins le mérite de remettre au premier plan la vraie valeur économique des entreprises du numérique. Ce n’est pas inutile en période d’euphorie. Dans ce monde réel, Total et Exxon Mobile, entreprises du passé dit-on, se portent à merveille 🙂

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