Dans le milieu de la Tech, quand on pense voiture électrique on pense Tesla, technologie partout, aide à la conduite et accessoirement propreté, écologie et monde merveilleux décarboné. On pense aussi un peu budget. Pour s’offrir ce genre de bijou, il vaut mieux être CEO d’une belle startup que coursier chez Deliveroo. Mais l’électrique a le vent en poupe, épuisement des énergies fossiles oblige. Chacun sait bien que l’extraction de toutes sortes de choses de la planète n’est pas extensible à l’infini. A moins que Elon Musk finance de futures exploitations minières sur Mars avec les bénéfices de Tesla, mais c’est encore un peu prématuré.
Dans ce tournant de l’Humanité, l’électricité est la nouvelle frontière. On s’écharpe sur les conditions de sa production mais on sait aussi qu’elle est à la base du fonctionnement de l’économie. Le réchauffement climatique nous oblige à agir vite. La mobilité est une des actions humaines qui impactent fortement l’environnement et la voiture électrique apparait comme une des solutions. Alors, faut-il acheter une voiture électrique en 2023 ?
Objectif 2035
En 2022, l’Union Européenne a décidé l’interdiction de vente des voitures neuves thermiques en 2035. avec une neutralité carbone envisagée en 2050. Pourquoi pas. Les constructeurs s’y sont mis à marche forcée et aujourd’hui la vente de véhicules électriques atteint 10 % en Europe. Le succès semble au rendez-vous.
Un des constructeurs et pas le moindre, Stellantis (Peugeot, Citroen, Fiat, Opel…), avait pourtant fait savoir par la voix de son patron Carlos Tavares qu’on allait peut-être un peu vite en besogne. Selon lui l’Europe fait les choses à l’envers : faire une loi et réfléchir à ses effets… après. Toujours selon Carlos Tavares, il aurait fallu réfléchir d’abord aux conditions de production d’électricité dite « verte », ensuite au réseau des bornes d’alimentation et enfin… aux véhicules.
Les doutes
Doute côté constructeurs, doute aussi côté particuliers. Dans les années 2000, on encourageait à grand renfort de primes l’achat de véhicules diesels aujourd’hui voués aux gémonies. En 2022 on leur dit à la fois d’acheter des voitures électriques mais aussi que l’électricité pourrait manquer et devenir hors de prix. Pas simple. Ajoutons à cela que l’industrie automobile pourrait être amenée à réduire ses effectifs (produire des voitures électriques est simple et peu consommateur de R&D) et qu’un choc social est possible dans la mesure où les plus modestes n’auront plus accès à des véhicules électriques beaucoup plus chers que les thermiques. Sauf à se tourner vers des véhicules chinois moins chers qui ne demandent qu’à parcourir nos routes.
Pour ajouter à la confusion, l’Allemagne, pourtant gouvernée par une coalition incluant les Verts mais très attentive à son industrie automobile, revient plus ou moins sur la date de 2035 en disant qu’il ne faut pas interdire les carburants de synthèse. Filière dans laquelle l’Allemagne est en avance ; on n’est jamais si bien servi que par soi-même… Et l’Italie, la Pologne et les Tchèques emboîtent le pas des Allemands.
Vu du consommateur, le contexte est-il favorable pour franchir le pas ? Faut-il acheter une voiture électrique et ainsi anticiper l’avenir ?
Une fiscalité… incertaine
L’arrivée d’un parc automobile électrique va modifier l’équilibre économique de la mobilité. Qui dit fin des voitures thermiques dit fin de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques). Cette taxe rapporte à l’Etat et aux collectivités locales grosso modo une trentaine de milliards d’euros. Une paille. Il faudra bien compenser cette perte de recettes fiscales. Comment se fera la compensation ? L’imagination de Bercy est sans limites et l’automobiliste verra apparaître d’une manière ou d’une autre une nouvelle ponction. Le vieux concept d’automobiliste vache à lait n’est pas épuisé. D’autant plus que les bonus pour l’achat de véhicules électriques sont extrêmement couteux pour les finances de l’Etat.
Une autonomie de la voiture électrique qui pose encore problème
Même si 90% des recharges se font à domicile et donc, pour l’instant, à meilleur coût, le conducteur électrique se caractérise par sa hantise de la recharge. « Où vais-je trouver une borne au fond d’une zone rurale ? » Le réseau français de recharge n’est pas si mauvais, par rapport à d’autres pays européens, mais il reste encore réservé aux zones très fréquentées. Les trajets effectués par les automobilistes électriques sont souvent faibles mais la dimension psychologique du temps de recharge et du manque de bornes est très présente, même si elle est surévaluée.
Voiture électrique, voiture propre ?
Aucun objet industriel (et même artisanal) n’est propre à 100 %. Cette notion de propreté est utilisée avec excès et on lui fait dire tout et son contraire. La voiture électrique peut apparaître à première vue très « vertueuse » (autre mot employé à toutes les sauces) si l’on ne considère que ses émissions en phase d’usage. La qualité de l’air est indubitablement meilleure qu’avec une voiture thermique. En revanche, si on s’intéresse aux batteries de ladite voiture et à ce qu’il faut pour les fabriquer (et s’en débarrasser ensuite) le bilan écologique s’en trouve bien amoindri.
Voiture électrique à la hauteur des enjeux ?
C’est là que se situe le débat. La civilisation de l’automobile touche-t-elle à ses limites ? Les enjeux de mobilité concernent tous les modes de déplacement et surtout les modes de vie. Remplacer un SUV thermique de deux tonnes par un SUV électrique… du même poids relève du cautère sur une jambe de bois. Construire de petits (très) véhicules électriques, éventuellement partagés, est sans doute plus adapté. Par ailleurs, la voiture évolue dans un espace donné. C’est ce territoire d’usage qui devra être repensé dans son aménagement, ses services… pour adapter la mobilité aux enjeux climatiques. La voiture n’est qu’un élément d’une stratégie globale dans laquelle l’électricité doit être utilisé à bon escient.
Epilogue
Va-t-on rejouer la bataille du début XXè siècle « véhicule électrique versus véhicule thermique » ? Cette fois-ci, au-delà de l’enjeu économique il y a la dimension écologique. La mise en oeuvre progressive des ZFE (Zones à faibles émissions) dans les Villes va booster le marché du « propre » mais avec quels effets sur ceux qui ont de faibles moyens ? Si vous avez une maison, un garage et un bon niveau de revenus, le véhicule électrique est une solution envisageable et une manière d’anticiper. Si vous êtes plus limité financièrement, cela conduit à réfléchir, même si votre conscience écologique vous pousse à « faire des gestes ».
Alors, faut-il acheter une voiture électrique en 2023 ? Selon vos besoins, personnels et professionnels, il faut jeter un oeil sur les formules de leasing. Et notamment sur le dispositif dit de leasing social qui sera lancé (normalement) à l’automne 2023 et qui permettra d’accéder à un véhicule électrique pour une centaine d’euros par mois. Encore faudra-t-il remplir les conditions de revenus pour en bénéficier.
Vous pouvez aussi être à demi-écolo en vous tournant momentanément vers l’hybride, ce qui constitue un premier pas pour sortir du thermique. L’essor rapide de la « watture » pourrait encore connaître bien des soubresauts. La seule certitude est qu’à long terme la voiture thermique est condamnée. La transition vers de nouveaux modèles de mobilité commence à peine.