Le numérique soutenable est un sujet de débat récurrent. Plus ou moins hypocrite parfois. Notamment, quand on utilise nos smartphones à haute dose pour dénoncer les atteintes à l’environnement. Sans trop se poser de questions sur notre propre action. Schéma classique : afficher une vertu ostentatoire pour soi et dénoncer… les autres. Mais réellement on en est où aujourd’hui de cette question du numérique soutenable ?
L’enquête annuelle de l’ARCEP
L’ARCEP apporte quelques éléments de réponse. En effet, l’autorité de régulation publie depuis 2022 les indicateurs sur l’évolution de l’empreinte environnementale du numérique en France. Ils sont issus de la collecte de données auprès des opérateurs SFR, Bouygues, Free et Orange. Pour rendre compte plus largement de l’impact environnemental, la deuxième édition de l’enquête annuelle pour un numérique soutenable est enrichie par une nouvelle catégorie d’indicateurs, portant sur les box et décodeurs TV reconditionnés ou recyclés. Cinq catégories d’indicateurs sont ainsi présentées dans cette nouvelle édition : les émissions de gaz à effet de serre, l’énergie consommée, les ventes de téléphones mobiles, les téléphones mobiles collectés pour recyclage ou reconditionnement, les box et décodeurs TV envoyés au reconditionnement ou recyclage.
Avec son enquête annuelle « Pour un numérique soutenable », l’Arcep poursuit ainsi quatre objectifs qui concourent à l’enrichissement du débat public.
. informer sur les impacts environnementaux du secteur numérique
. identifier les activités susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement
. inciter les acteurs à cibler les actions les plus efficaces en matière d’impact environnemental
. suivre l’évolution de ces indicateurs dans le temps.
Les émissions de GES progressent en 2021 après deux ans de recul
Cette progression est de 3 % en 2021 par rapport à 2020, pour atteindre 373 000 tonnes équivalent CO2. Cette augmentation s’explique par une croissance significative (+ 4 % en 2021) des émissions directes de gaz à effet de serre, après deux années de recul dont une forte chute en 2020 en raison de la crise sanitaire. Néanmoins, le volume de ces émissions reste inférieur au niveau de 2019. Les effets de la crise sanitaire sur ces émissions n’ont donc pas été entièrement effacés par la reprise de l’activité.
Les émissions indirectes de gaz à effet de serre, essentiellement liées à la consommation d’électricité des opérateurs, augmentent depuis 2018. Cette tendance se poursuit en 2021, mais ralentit : + 2 % en un an en 2021 contre + 5 % en 2020. Ce ralentissement est lié à la moindre progression de la croissance de la consommation électrique des réseaux, divisée par deux par rapport à 2020 (+ 3 % en un an en 2021 contre + 6% en 2020) et atteint 3,9 TWh en 2021.
La consommation énergétique moyenne par abonnement est un peu plus faible sur les réseaux fixes (25 kWh en moyenne par abonnement) que sur les réseaux mobiles (30 kWh en moyenne par carte SIM). En outre, la consommation énergétique moyenne par abonnement sur les réseaux d’accès cuivre est un peu moins de quatre fois supérieure à celle des réseaux d’accès fibre (34 kWh par abonnement cuivre en 2021 contre moins de 10 kWh par abonnement fibre).
Les ventes de téléphones neufs reculent en 2021
La majeure partie de l’empreinte carbone du numérique (79 %) est due aux terminaux (téléviseurs, ordinateurs, téléphones…). La limitation du renouvellement de ces équipements ainsi que l’accroissement de leur durée est donc un enjeu majeur pour réduire l’impact environnemental du numérique.
Au niveau mondial, le nombre de smartphones vendus progresse de près de 6 % en 2021. Les ventes sur le marché français se stabilisent à 21,3 millions, avec un recul significatif des ventes de smartphones neufs. Les ventes réalisées par les quatre principaux opérateurs (38% du total des ventes sur le marché français) suivent la même tendance. Le volume de leurs ventes s’élève à 8,1 millions, le recul des ventes de téléphones neufs (-150 000 en un an) compensant la forte progression des ventes de téléphones reconditionnés (+175 000).
Les ventes de mobiles subventionnés diminuent en 2021 (-2,8%) et restent minoritaires (25% des ventes en France).
Les box et décodeurs TV reconditionnés
En 2021, la majorité des box et décodeurs traités par les opérateurs sont reconditionnés (70 % des box et 80 % des décodeurs). En outre, le volume de reconditionnement progresse pour les box comme pour les décodeurs (respectivement + 16% et + 18 % en un an). Ces volumes représentent, en 2021, 20 % du parc total de box et décodeurs en service. Depuis 2019, cette proportion a peu évolué pour les box alors qu’elle ne cesse d’augmenter pour les décodeurs. Ceci laisse supposer que la durée de vie de ces équipements s’allonge, sans pour autant qu’il soit possible de le vérifier. Pour cela, des indicateurs de durée totale d’utilisation des box et décodeurs TV par les clients seraient nécessaires.
Une enquête qui s’élargit
L’Arcep étend en 2023 sa collecte de données aux fabricants de terminaux (smartphones, ordinateurs, téléviseurs connectés…) et aux opérateurs de centres de données. Elle enrichit également la collecte de données auprès des opérateurs de communications électroniques par la mise en place d’un nouveau protocole de mesure de la consommation électrique des box, décodeurs TV et répéteurs Wifi. La prochaine édition de l’enquête annuelle pour un numérique soutenable, intégrant ces nouvelles données, devrait être publiée en fin d’année.
Pour aller plus loin
L’enquête complète de l’ARCEP est disponible ici. Elle constitue une source d’informations indispensable pour un débat public souvent alimenté par des arguments approximatifs.